S’il fallait utiliser un mot pour décrire l’état dans lequel se trouvait Akira actuellement, ce serait le mot Jubilation. Oui, il jubilait d’avoir interrompu le monologue anesthésique qu’administrait en surplus ce cher fonctionnaire au regard globuleux et à la voix désagréable pour l’oreille humain qui leur tenait lieu de professeur d’histoire, à son meilleur ami. N’allez pas vous tromper, Akira ne détestait ni les cours ni les professeurs en général, seulement à choisir entre passer une heure en cours, à subir les attaques verbales d’un enseignant incompétent qui part du principe que les élèves sont sensés savoir ce qu’il est sur le point de leur apprendre et s’amuser à se foutre de cette même personne et faire des batailles de gommes… Le choix était vite désigné ! Cela dit, malgré toute la bonne volonté qu’il donnait à mettre la classe sans dessus dessous, il respectait ses camarades et si le besoin de se tenir tranquille se faisait sentir, il savait se retenir pendant une heure. Mais là, il ne s’agissait plus que d’Izumi et monsieur-je-vomis-mon-savoir-et-mes-sarcasmes, quoi de plus tentant. D’autant que sa répartie était beaucoup plus riche que celle de ce petit bonhomme aux grosses lunettes. Bref, vous l’aurez compris, c’était une trop belle occasion qu’il avait eu. Mais son intervention durant l’entretien de rattrapage entre Izu kun et son professeur n’était pas la seule source de sa jubilation. Non, non ! Il jubilait également car, durant les quelques minutes de patience qu’il avait donné pour attendre son meilleur ami, son regard avait croisé la silhouette de Honda Yuuko, l’une de ses coéquipières au basket qu’il appréciait beaucoup pour ses talents de basketteuse et sa forte personnalité, et l’avait interpellé pour finalement l’inviter à manger avec eux. Et maintenant les voilà lancés dans le couloir à la conquête de la cafétéria, le bras entourant les épaules de l’une, et le bras autour de la taille de l’autre, sans attendre le dernier compagnon de festin qui traînait trop la patte… Un sourire rayonnant, le menton relevé et marchant avec assurance, Akira se félicitait de pouvoir partager son repas avec Yuuko car même si la compagnie d’Izumi était la meilleure au monde, Akira adorait la compagnie des filles et surtout pendant les repas. Il ne fallait pas le voir comme quelqu’un d’orgueilleux ou de vantard. Il ne se vantait jamais de sortir avec beaucoup de filles, ce n’était pas le but de la manœuvre. Il aimait profiter de la présence de chacune et partager un repas avec une jolie demoiselle était toujours un délice pour lui. Car même s’il ne la voyait que comme une camarade de basket, Akira trouvait malgré tout Yuuko très jolie. Dommage que ce sale caractère vienne tout gâcher parfois, faisant tomber le petit côté adorable que pouvait prendre la jeune fille et rappelant ainsi à notre jeune homme qu’il avait à faire à une sportive. C’est pour cela qu’il ne chercha pas plus loin lorsqu’elle lui attrapa la taille, et ne comprit pas non plus l’objectif que cherchait à atteindre la jeune fille : celui de lui transmettre autre qu’avec des mots, ses sentiments envers lui. Au contraire, amusé de la voir répondre à son geste amical, il ne lui adressa pas un regard et ria de cette complicité sans arrière pensée (du moins de son côté) sans se soucier des quelques têtes qui se tournaient dans leur direction et des chuchotements qui déjà s’élevaient.

Akira : Ouah j’espère qu’il restera quelque chose de mangeable ! J’ai une faim de loup… Pas toi ?

Baka Akira ! On ne parle pas de son estomac lorsqu’on est en compagnie d’une fille voyons… Mais que pouvait-il y faire en fait, puisqu’il ne voyait pas Yuuko comme il voyait les autres filles. Mais que voulez vous, cela devait sans doute faire parti de son charme, cette insouciance à comprendre les choses pourquoi logique aux yeux de tous. Il ne le faisait pas exprès, jouer un rôle ne lui appartenait pas, lui préférait être vrai à longueur de temps pour ne décevoir personne. La déception, il en avait sûrement apporté mais pas de celle que l’on ressent lorsqu’on se rend compte qu’on s’est trompé sur quelqu’un. Car il ne trompait jamais personne, préférant la vérité blessante au mensonge. Non pas qu’il ait été affecté lui-même par le mensonge de quelqu’un et si cela avait été le cas, il ne s’en rappelait plus. Non mais il avait vu sa sœur aînée en souffrir et même s’ils ne partageaient pas plus de complicité qu’un frère et une sœur de leur âge, il avait eu le cœur brisé devant ses larmes et sa peine. Depuis ce jour, il avait toujours détesté le mensonge, tout comme de vois une fille pleurer. C’est peut être pour cette raison qu’il ne pouvait s’empêcher de tout faire pour faire sourire la première fille qu’il pouvait croiser et de fil en aiguille finir par sortir avec pendant quelques temps et continuait à la voir sourire pour d’autre raison. Avec Yuuko, c’était plus ou moins la même chose excepté peut être le fait qu’ils se connaissent déjà et qu’elle perdait rarement le sourire. Et puis lui préférer la voir râler et prendre de grands airs quand il la taquinait, elle était tellement attachante ainsi qu’il n’arriverait pas à s’en lasser. Il n’arrivait pas à la voir fragile en fait. Parce que même si on lui donnait la réputation de ne sortir qu’avec des jolies filles bien formées, lui ce qui le faisait craquer à tout les coups c’était leur petit air fragile qui lui donnait tellement envie de les serrer dans ses bras et de les protéger de tout en les couvrant de câlin. Comment pouvait-il considérer Yuuko ainsi puisqu’il la voyait aussi battante sur le terrain de basket. Déterminée comme elle pouvait être, elle ne semblait avoir besoin de personne.

Akira : En tout cas je suis content que tu ais acceptée de nous rejoindre Honda chan ! C’est pas souvent qu’on se croise en dehors des entraînements…

Un brin de malice dans la voix, il avait sorti cette réplique comme si la jeune fille qui l’accompagnait avait suivi son raisonnement et surtout ses pensées. Autant dire qu’il n’était pas toujours facile à suivre comme garçon mais les habitués étaient justement habitués. Quand aux autres ? Soit ils s’y faisaient, soit ils laissaient tomber… Ce qui était souvent le cas de ses professeurs qui après deux ans à tout tenter pour qu’il arrête ses futilités et se mettent à travailler avaient baissé les bras devant l’attitude désinvolte de notre cher capitaine. Pour le moment, il voulait profiter de la vie, le reste c’était au Akira du futur de s’en charger ! Et puis, il n’avait pas trop à se plaindre, malgré son manque d’attention en classe, il avait tout de même de grandes facilités qui lui permettaient de rester à un niveau moyen en classe. Le cerveau humain parvenait à enregistrer au dépend de l’attention de la personne selon la personne elle-même. Chez Akira, c’était plutôt déconcertant parfois ou du moins pour les autres, ceux qui bossaient plus que lui et arrivaient aux mêmes résultats.

Sans s’en rendre compte, notre couple farfelu venait d’atteindre le réfectoire du lycée et Akira lâcha son amie pour la précéder et lui ouvrir et tenir la porte, la laissant passer devant lui avant de trottiner jusqu’à elle, lui frôlant le bras avec le sien au passage en toute insouciance. Ils avaient rejoint la file d’élèves qui attendaient de pouvoir se servir et Akira reconnu quelques tête dans la salle et ne put s’empêcher de leur adresser quelques sourire et signes de la main avant de reporter son attention vers sa camarade devant lui. En toute naïveté, il passa ses bras de chaque côté du cou de la demoiselle et les posa sur ses épaules, sa tête juste à côté de la sienne et le regard dirigeait vers ce que leur proposait les cuisinières.

Akira : J’ai tellement faim que j’ai presque plus de force pour me tenir debout !

Sur quoi, il bascula la tête sur le côté pour simuler une faiblesse passagère et rejoignit ses mains devant elle l’empêchant ainsi de se dégager de lui-même si se n’était pas du tout son objectif.

Yuuko : Oui moi aussi. Mais en ce moment, c'est pas la nourriture de la cafétéria que j'ai envie de manger, c'est toi.

Fronçant les sourcils sans pour autant s’arrêter de marcher il n’accorda pas un regard à sa camarade, trop surpris par cette réponse qu’il ne comprenait pas. Avait-il dit quelque chose qui ne lui avait pas plu pour qu’elle se mette soudainement à la place de l’ogre dévoreur d’Akira innocent et naïf ? La bouche comme soudée, il laissa son esprit divaguer à la recherche d’une possible explication à ce soudain besoin d’anthropophagies. Il est vrai que son aînée lui avait toujours répété d’éviter certains sujets de conversation voire même quelques réflexions typiquement masculine lorsque justement il devait être accompagné par un membre de l’autre sexe. La nourriture et l’état de faim en faisait d’ailleurs partie même pour changer de sujet lorsque justement celui-ci était épineux. Mais là, il n’évitait aucun sujet vu qu’ils ne parlaient de rien en particulier juste avant qu’il n’ouvre la bouche et qu’il réagisse comme le plus typique des mecs. Akira avait beau se creuser les méninges de toutes ses forces il avait fini par conclure qu’il ne comprendrait décidément jamais les filles et leur raisonnement hypra complexe. Cela dit, comme il n’aimait pas les situations pesantes et lourdes de sens ou non, il tenta de rattraper la situation en lui avouant qu’il était content de pouvoir partager un petit moment avec elle pour une fois. Il fut ravi de voir que ce sentiment était réciproque en entendant Yuuko lui répondre avec joie. Finalement, ce qu’il avait dit plus tôt et qui semblait l’avoir fâché quelque peu ne devait pas être si grave que ça si elle était tout de même ravie de l’accompagner. Il était un dragueur certes, mais il ne se considérait pas comme le garçon irrésistible non plus. Des râteaux, il s’en était pas mal mais loin de là l’envie de renoncer à partager son temps avec d’autres filles qui lui plaisaient. Jamais il ne se montrait grossier ni blessant. Lorsqu’il croisait une fille qui lui plaisait, il faisait tout son possible pour la faire fondre. Si cela marchait, il en était heureux et dans le cas contraire, il ne les insultait pas ni ne leur en voulait. Après tout, il ne cachait pas sa nature et savait pertinemment ce que l’on pensait de lui. Lui ne faisait pas cela dans le but de collectionner des conquêtes mais uniquement parce qu’il n’arrivait pas à contrôler ce besoin de câliner et bisouter la première fille charmante qu’il croisait.
Trop plongé dans ses pensées Akiriennes, il ne remarqua pas la bouille boudeuse que venait de revêtir son amie et fut surpris d’entendre sa voix, pleines de reproches, s’élever de nouveau.

Yuuko : Parce que tu crois que moi, je n'essaie pas de te voir en dehors de l'équipe et des cours ? Si ça se trouve, c'est toi qui as toujours des excuses bidons pour être ailleurs qu'avec moi ne serait-ce qu'une seule soirée ou alors même vingt minutes. J'ai l'impression que t'essaie de m'éviter et que je suis l'une des seules filles qui passe après Kanzaki. Si tout ce que tu veux c'est que je me refasse les seins pour porter du D, comme certaines filles que tu dragues, que je me fasse rapetisser ou grossir le nez, comme certaines filles que tu dragues, et que je porte des décolletés jusqu'au nombril pour que j'aille l'air d'une dévergondée, comme certaines filles que dragues, ne serait-ce que pour que tu passes du temps avec moi, t'as qu'à me le dire.

Que n’avait-il pas dis en fait pour la mettre une nouvelle fois dans cet état d’hystérie incompréhensible. La prochaine fois qu’il la croiserait c’est sur, il attendrait qu’ELLE engage la conversation et ferait des phrases courtes pour ne pas prendre le risque de l’énerver sans qu’il ne comprenne pourquoi. C’est vrai quoi ! Pourquoi Yuuko semblait-elle autant en colère contre lui et avait sorti des phrases comme « se refaire les seins » « porter des décolletés jusqu’au nombril » « pour qu’il accepte de passer du temps avec elle » ? C’était pas ce qu’ils étaient en train de faire justement et elle portait son uniforme de lycéenne encore en plus. Et puis pourquoi parlait-elle des anciennes petites amies d’Akira en voulant se comparer à elle ? Les filles étaient vraiment un mystère pour ce pauvre garçon qui commençait à avoir le cerveau en feu à force de réfléchir autant le ventre vide.

Akira : Je t’avoue que je comprend pas pourquoi tu t’énerves d’un coup mais en tout cas je n’ai jamais cherché à t’éviter… Si tu as tellement envie de me parler pourquoi tu ne me le dis pas tout simplement au lieu de faire tant de manière. Et puis c’est quoi ces idées de vouloir te refaire faire le nez ou je sais plus quoi ? T’es très bien comme tu es, ne laisses personne dire le contraire.

Sans se douter un seul instant qu’il était sur le mauvais chemin, Akira cru comprendre que si la jeune fille s’énervait autant avec lui c’est que quelqu’un l’avait probablement jugé sur son apparence et sans aucun doute blessé. Enfin Akira n’était pas non plus un fin psychologue et préférait de loin cette explication plutôt que devoir en trouver une autre. Il n’aimait pas qu’on blesse ses amis et si jamais la jeune fille devait lui avouer qu’effectivement quelqu’un s’était mal comporté avec elle, fille ou garçon, Akira irait lui en toucher de mots à sa sauce et il ne serait pas prêt de recommencer. En voyant la porte de la cafétéria devant lui, il jugea bon de jouer les gentlemans et de lui ouvrir la porte pour la faire entrer. Règle numéro vingt et une de l’enseignement soeurenelle : toujours être à la disposition de la jeune fille et lui montrer qu’elle est importante. En plus de cela, ce geste pourrait peut être atténuer sa colère même si Akira commençait à croire que rien de ce qu’il entreprendrait pour retrouver une bonne ambiance avec elle ne faisait qu’empirer les choses sans raisons logiques pour lui. Elle passa devant lui et il la rattraper sans un mot et la suivit dans la file d’attente. Sans prévenir il l’enlaça sans arrière pensée et ne fut pas repousser. Tant mieux, il commençait un peu à fatiguer de devoir se justifier de chose dont il ne se comprenait pas coupable. Elle n’ajouta rien lorsqu’une nouvelle fois il aborda le sujet de son estomac vide et en fut soulager. Une fois encore il avait parlé sans réfléchir et s’en était mordu la langue de crainte de l’entendre une nouvelle fois lui râler dessus mais non. Lorsque la file avança, il se laissa guider par Yuuko sans broncher. Elle était calme et ne semblait plus rien avoir à lui reprocher pour le moment, il ne voulait donc pas la brusquer en la relâchant pour avancer normalement. Lorsqu’il voulu se détacher d’elle pour prendre son repas il n’en eut pas l’occasion en la voyant le faire pour lui. Souriant, il la soulagea de son poids en ne prenant pas trop appui sur elle mais ne la lâcha pas pour autant puisqu’il semblait qu’elle ne le souhaitait pas. Une fois le plateau plein, ils quittèrent la file pour se diriger vers une table de quatre personnes où il fut obligé de mettre fin à son contact pour prendre place à côté d’elle. Il la laissa s’installer et lui donner ce qui lui appartenait.

Akira : Arigato gozaimasu Honda chan !

Joignant ses deux mains devant son visage, il ferma les yeux furtivement dans un sourire à la limite de la grimace et ajouta :

Akira : Itadakimasu !

Avant d’enfourcher d’un coup de baguette habile, la première portion de nourriture qu’il allait poser sur sa langue et savourer avec délectation ce moment où enfin il sentait son estomac le remercier du geste qu’il venait d’entreprendre. Rouvrant les yeux après avoir mâché l’aliment, une expression d’extase sur le visage, et avalé par la suite, il aperçut son meilleur ami au moment où lui aussi sortait de la file de la cantine, prêt à les chercher pour aller les retrouver. Sans pour autant lâcher les baguettes qu’il tenait dans sa main, il fit un grand signe pour attirer son attention et l’obliger à les rejoindre. Sans quitter son ami du regard, il fut étonné de voir qu’Izu semblait désigner la table à une jeune fille juste à côté de lui. Fronçant les sourcils et basculant sa tête sur le côté, il se mordit l’intérieur de la lèvre tout en comprenant que son ami n’était pas seul. Relevant subitement la tête, il la tourna en direction de Yuuko dans l’espoir qu’elle aussi ait remarqué.

Izumi : Me voilà Aki-kun ! Il y en a du monde aujourd’hui ! J’ai amené une personne en plus. Alors Aki-kun je te présente Kagami Nao, et Yuuko-chan je crois que vous vous connaissez !

Ne pouvant retenir un large sourire s’afficher sur son visage, il regarda son meilleur ami les yeux pétillants de malice.

Akira : Tatata Izu kun ! Ne pense pas t’en tirer ainsi !

Puis sans attendre une quelconque réponse précise, il passa son regard sur la nouvelle venue et plongea ses yeux dans les siens après avoir posé sa tête entre ses mains dont les coudes reposés sur son plateau repas. Il ne la détailla ni ne la dévisagea, trouvant cette réaction de la part des garçons trop déplacée.

Akira : Ravi de faire ta connaissance petite Nao chan ! Surtout si tu es une amie de mon Izu kun !